Introduction à la Vie Autonome

La Vie autonome (VA) est une vision, une philosophie et un mouvement de personnes handicapées. Apparu sur les campus universitaires de la Californie dans les années 1960, le mouvement s’est depuis étendu dans le monde entier.

Il s’adresse à toutes les personnes en situation de handicap, quelle que soit leur déficience (physique, mentale, auditive, visuelle …).

La philosophie de la Vie autonome se fonde sur la prémisse que toutes les personnes handicapées ont des compétences, de la détermination, de la créativité et une passion de vivre, mais que beaucoup sont néanmoins incapables de participer pleinement à la vie économique, politique et culturelle en raison d’obstacles à la citoyenneté à part entière qui persistent dans la société.

La Vie autonome est une façon de se percevoir et une manière dont la société perçoit les personnes handicapées. Il s’agit là d’une nouvelle approche du handicap. La perspective de la Vie Autonome présuppose en effet que le problème du « handicap » n’est pas fondamentalement lié à la personne handicapée, mais aux barrières physiques et psychologiques que dresse la société et aux structures de soutien, souvent rigides, qu’elle propose comme solution.

Le concept de Vie Autonome a pour but de permettre aux personnes handicapées de redevenir maîtres de leur corps et de leur mode de vie, ce que les autres personnes considèrent comme acquis. De gérer le processus de prise de décisions et les services qui leur permettent de participer à tous les aspects de la société, avoir des choix et exercer un contrôle sur l’aide ou l’équipement ou les appareils fonctionnels nécessaires à la vie de tous les jours et avoir accès aux commodités qu’offre la société, comme le logement, le transport, les services de santé, l’emploi ainsi que le divertissement, l’éducation et la formation.

Une aide financière doit donc être octroyée directement à la personne concernée, par exemple sous la forme d’un budget individuel qu’il convient de prévoir, comme cela se pratique en Suède, au Danemark, aux Pays-Bas au Royaume-Uni, en Flandre, etc… Ce système est une condition préalable à l’autodétermination, car il permet aux personnes concernées d’agir en tant que consommateurs et qu’acteurs de l’évolution du marché des services d’assistance.

Independent Living émancipe les personnes en situation de handicap

Par Adolf D. Ratzka

Traduit de l’anglais par Mireille Maller

Independent Living (IL) est une réelle philosophie, une façon particulière d’aborder le handicap et la société, et un mouvement international de personnes handicapées oeuvrant pour l’autodétermination, la dignité et l’égalité des chances.

Dans la plupart des pays du monde, des préjugés et une théorie médicale prédominante sur le handicap contribuent à favoriser des comportements négatifs à l’encontre des personnes en situation de handicap. Celles-ci sont souvent décrites comme malades, déficientes et marginales, considérées (pour certains), comme un fardeau pour eux-mêmes et leur famille et dépendantes de la charité d’autrui. Ces perceptions, ancrées dans la mentalité, ont des conséquences sur leurs chances d’accéder à l’Education, à l’emploi, et à fonder leur propre foyer. Partout les personnes handicapées constituent une quote-part importante de l’ensemble des pauvres.

Ayant comme origine le mouvement des droits civiques et des consommateurs aux Etats-Unis dans les années 60, le mouvement IL substitue à l’Education spécialisée et à la réadaptation ainsi qu’à la vision des experts concernant l’intégration, la normalisation et la réadaptation, un nouveau paradigme développé par les personnes handicapées elles-mêmes. Les précurseurs de IL étaient des personnes lourdement handicapées. Aujourd’hui encore, le message du mouvement est souvent mieux saisi par les personnes qui ont le plus besoin d’assistance pour accomplir les actes de la vie quotidienne puisque ce sont elles qui sont le plus confrontées à la médicalisation, aux attitudes paternalistes et qu’elles sont contrôlées par des professionnels.

La philosophie de IL postule que les personnes handicapées sont les meilleurs experts dans le domaine de leurs besoins, qu’elles doivent prendre l’initiative, individuelle et collective de concevoir et promouvoir de meilleurs solutions et qu’elles doivent s’organiser afin d’acquérir un pouvoir de décision politique. En plus d’une déprofessionnalisation et d’une autoreprésentation, l’idéologie IL inclut la démédicalisation, la désinstitutionalisation et l’interhandicap (c’est-à-dire : la non prise en compte du diagnostique).

Selon la philosophie de l’IL, les personnes handicapées sont d’abord perçues comme des citoyens et puis, seulement ensuite, comme des consommateurs de services de soins ou de services sociaux de réadaptation. En tant que citoyens de sociétés « dites » démocratiques, les personnes handicapées devraient avoir les mêmes droits de participation, le même éventail d’opportunités, le même degrés de liberté, de contrôle et d’auto détermination au quotidien et dans leurs projets de vie que les autres citoyens considèrent comme allant de soi. Ces exigences requièrent la suppression des barrières architecturales, institutionnelles et comportementales ainsi que l’adoption du principe « Universal Design ». Suivant le type de handicap, certains supports tels que des aides techniques, des prestations ou l’assistance personnelle peuvent être nécessaires pour atteindre l’égalité des chances. L’évaluation des besoins et leur compensation doivent permettre aux utilisateurs de contrôler ces moyens pour choisir librement parmi les services proposés et pour vivre dans la dignité au sein de la société. Il a été prouvé que les compensations en argent comptant sont d’un niveau supérieur aux prestations en nature en termes de qualité de vie et de rapport qualité-prix.

L’approche de IL, dans la tradition des groupes d’entraide, est basée sur la pairémulation et le modèle d’identification au sein d’initiatives populaires et locales rattachées aux Centres de Ressources pour la Vie Indépendante (CRVI) qui sont gérés et contrôlés par des personnes ayant un handicap. Pour une personne handicapée, l’exemple d’un pair, quelqu’un qui a été dans la même situation, a plus d’influence que les interventions de professionnels non-handicapés dans l’analyse de sa situation, de sa vie et dans le développement de stratégies de « débrouille. ». Selon le mouvement, avec la pairémulation, nous pouvons tous, y compris les personnes ayant un handicap mental important, apprendre à exercer plus d’initiatives et de contrôles dans nos vies. Par exemple, la pairémulation est utilisée dans les « classes préparatoires à la vie indépendante » où des personnes vivant dans leur famille ou en institution apprennent à se débrouiller par eux même au quotidien et à se préparer à vivre de façon autonome. En fonction des services publics présents localement, les CRVI peuvent aider dans l’aménagement et les adaptations, l’assistance personnelle ou les droits. En général, ces centres travaillent avec les instances locales et régionales pour améliorer l’infrastructure, favoriser la prise de conscience des problèmes dus aux handicaps et agir pour une législation visant à promouvoir l’égalité des chances et à interdire toute ségrégation et discrimination.

Au fil du temps, le mouvement sets répandu de l’Amérique du nord aux autres continents en s’adaptant et s’enrichissant des différentes cultures et conditions économiques. Un domaine de recherche considérable, comprenant des outils de formation et des exemples de bonnes pratiques existent sur des thèmes variés tels que le « passage de l’institution à la vie à domicile », le « passage de l’école à l’emploi ou à l’emploi direct », les « associations » et la « législation », la « culture handicapée », les « femmes handicapées » ainsi que le « handicap dans les pays en voie de développement ». Ces travaux sont devenus un composant majeur dans l’élaboration de nombreuses politiques sociales nationale.

IL ne signifie pas que nous voulons tout faire par nous même ou que n’avons besoin de personne, ni que nous voulons vivre isolés. IL signifie que nous exigeons les mêmes choix et le même degré de contrôle dans la vie quotidienne que nos frères et sœurs, voisins et amis non–handicapés considèrent comme acquis. Nous voulons grandir dans nos familles, aller à l’école de notre quartier, utiliser les mêmes bus que nos voisins, occuper des emplois qui correspondent à nos qualifications et aspirations, et nous voulons fonder nos propres familles. Nous sommes des personnes profondément ordinaires, partageant le même besoin de nous sentir inclus, reconnus et aimés.

Adolf D. Ratzka

Independent Living Institute, Stockholm

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